mardi 5 avril 2011

un film de Frédérique Pollet Rouyer


Après la défaite de la France au Vietnam (Indochine) plus de 4.000 enfants nés de mère indochinoise et de père soldat français sont évacués, souvent de force, vers la France.
Robert était l'un d'eux. Arraché à sa mère à 10 ans, il ne connaît pas l'identité de son père français. Il s'est muré dans le silence.
Jusqu'au jour où une cousine française le retrouve. C'est là que commence le film.
Du nord au sud de la France puis au Vietnam, Robert va remonter le cours de son histoire et de celle de ces milliers d'enfants pour découvrir que l'arrachement n'était pas une évacuation de fin de guerre mais un plan très ancien pour séparer le sang français de celui des indigènes.
A l'heure où d'aucuns voudraient voir valoriser l'apport de la France dans ses colonies, le film dévoile le projet colonial à la lumière d'une domination économique et racialiste.



Musique Jacques-emmanuel rousselon et dragan urlic 
Son marianne roussy et claire-anne largeron 
Mixage myriam renée

Une production ina, black moon, iota, l’image d’après 
avec france 2, la rtbf (télévision belge) et télé tours 

avec le soutien du centre du cinéma de la communauté française de Belgique, des télédistributeurs wallons et de la loterie nationale

 Commentaire de Andrew (le 02/06/2011)

Les enfants métis ont été évacués justement pour les sauver des communistes. Si l'évacuation n'avait pas eu lieu, ces enfants auraient été tués par le viet min qui n'a jamais accepté l'existence des métis. Etant d'au moins un parent français, les métis ont pu bénéficier d'un sauvetage salutaire. Il est injuste de reprocher au colonisateur d'avoir sauvé ces enfants. Qu'ils aient été sauvé au nom du rattachement à la France coloniale et paternaliste... Ce qui compte, c'est qu'ils aient été sauvés.


Réponse par Frédérique Pollet Rouyer:

Cher Andrew,

Merci pour votre commentaire dont je ne partage cependant pas le point de vue.
La « gestion du problème métis » en Indochine qui n’est qu’un aspect du système de domination française dans ses colonies, est plus complexe que vous ne le prétendez.
C’est ce que ce film, basé sur des recherches approfondies, parmi lesquels des travaux universitaires reconnus pour leur sérieux et leur qualité intellectuelle, s’évertue à montrer, sans hargne ni reproche. Avec l’idée simple de verser au débat démocratique, des informations à partir de sources diverses et d’arguments éprouvés.
Au-delà de l’émotion et sans dogmatisme.
En cela votre commentaire est le bienvenu sur ce blog. Il n’y a pas de démocratie sans contradiction.

Toutefois, en vous contredisant à mon tour, c’est le discours dominant prônant l’action bienfaitrice de la France dans ses colonies que je mets en doute. Et cela, concerne les enfants métis coupables de souiller le prestige français de sang indigène, au même titre que le pillage des ressources, l’enrichissement des maîtres et l’humiliation quotidienne des Vietnamiens.

Une seule et même logique à l’œuvre, la nécessité économique, soutenue alors par une industrie en crise, trop à l’étroit en métropole. Le marché impose déjà de soumettre des territoires étrangers ainsi que leurs peuples à l’impératif d’expansion et d’accumulation des profits.
Mais pour cela, encore faut-il que l’opinion suive, ce qui au départ de la colonisation, n’était pas acquis. C’est alors que les thèses racialistes qui orchestrent savamment l’infériorité biologique et culturelle des indigènes, finissent par justifier la domination sous couvert de les civiliser.
L’inégalité des races, a fini par convaincre le plus grand nombre, du primat des intérêts économiques de la France sur le dos des Vietnamiens comme quelque chose de naturel. Une évidence. En toute bonne conscience.

En Indochine, les métis viennent déranger cette belle mécanique. Le mélange des sangs brouille le système de double domination raciale et sociale, raciale et économique, raciale et politique des Vietnamiens par les Français. Dominés et dominants à la fois, les métis mettent en péril les repères, les codes, les conditions de la séparation, qui sont chargés de la justifier.
Les enfants eurasiens dont mon film raconte une partie de l’histoire, sont le fruit gâté de notre histoire coloniale. Il le porte sur le visage, sur la peau. Et ils ont tous été déchirés en quittant mère et pays.

Les autorités françaises ont bien agi, dîtes vous ? Je dis qu’elles n’avaient pas le choix. En élevant les enfants métis, le plus souvent arrachés à leur mère, dans des orphelinats qui leur étaient réservés. En les coupant de leur société d’origine par une éducation bannissant leur histoire et leur vécu, n’en avaient-elles pas déjà fait des Français ? D’ailleurs, ces enfants revenaient à la France, conformément à la Convention franco-vietnamienne, censée solder les comptes des deux parties.  Comment en effet aurait-il pu en être autrement pour ces enfants et leurs mères, abandonnées par les pères et par la France.
Les petits métis auraient eu besoin d’être sauvés, moins des communistes que de l’entreprise coloniale elle-même dont ils furent les indésirables rejetons. Et aujourd’hui, pas bien plus que des miasmes de notre Histoire, quand il lui arrive d’éternuer au souvenir de quelque immonde injustice dont elle s’est rempli le ventre.

Amenés en France, quittant pour la plupart leur mère à jamais, le destin des enfants métis n’est pas plus une circonstance, un accident de l’histoire, que ne l’est la mort de 9 millions de Congolais sous le joug belge.

Si Né sous Z  chatouille à son tour, il aura contribué à la discussion. Et c’est tout ce que je lui souhaite.